Papiers

in 'christian renonciat, Au fil du bois', éditions Carpentier. 2013

Le papier est un sujet particulièrement agréable, car il suit rigoureusement les règles non écrites du drapé, avec en plus une rigueur géométrique incomparable et délicieuse. Les crêtes des plis s’arrondissent parfaitement, ou bien se cassent en une pointe aiguë, souvent opposée tête-bêche avec une autre que fait le pli suivant. C’est une matière qui « crique », cédant brutalement aux contraintes du pliage, se cassant comme un col pour être convexe/concave ; mais en retour, comme en compensation, elle offre dans l’ampleur de ses ondes des modelés d’une douceur extrême, où le sculpteur se perd à discerner où commence le plein, et où finit le creux.

Froissement, bruissement, déchirement, craquement… Le papier parle à notre oreille comme le carton parle à notre œil ; c’est une matière végétale, qui s’adresse directement à notre corps animal, à notre sensation primale.

Mais le papier est aussi une matière organisée, une feuille, une pièce (comme on dit « une pièce de tissu »). À ce titre, il se plie et se déplie, se drape et s’éploie ; « pli selon pli », il mémorise et révèle. Il y a plus : qu’on rabatte les quatre coins d’une feuille de papier, et c’est une enveloppe : matière organisée en objet graphique – éloge de la diagonale, elle est aussi objet d’usage : elle porte elle-même de l’écriture, mais reçoit à son tour une autre sorte de papier : celui qui n’est plus matière, mais pur support de pensée.

Connivence du papier et du bois, plaisir du grain, bonheur de la main ; le papier est à fleur de peau.