À propos d'une culotte, taille 56

Quand j’ai commencé à faire des sculptures, il y a 35 ans, j’ai “laisser partir” dans toutes les directions ce désir que j’avais d’appliquer un savoir-travailler le bois à une démarche artistique contemporaine. Ma première exposition à Paris (“Sur le fil”, galerie Alain Blondel,1978) a présenté un ensemble de sculptures dont le sujet semblait être l’objet familier. On y voyait ainsi un drap, une couverture, un pantalon, des culottes, comme pendus à un fil...des bottes, un oreiller, un chausson de bébé.
Je me suis aussitôt rendu compte d’une ambiguité de ma démarche, et d’un malentendu à sa réception : ce qui m’intéressait, ce n’était pas l’objet, mais sa matière, pas le drap mais le drapé, pas la botte mais le cuir, pas la couverture mais la laine et la ganse.
Aussi, dès la deuxième exposition (“Emballages”, 1980), je présentais un ensemble de sujets “emballés”, dont on ne se préoccupait plus, et dont seule se présentait la matière de l’emballage : papier, couverture de laine, ficelle, carton, scotch, film plastique, etc.
Depuis lors, tout mon travail s’est tourné vers cette matière des choses, conçue comme un miroir où notre corps se reflète, où il retrouve toute la bibliothèque des sensations familières qu’il collectionne depuis la naissance. Peu à peu, certains de ces sujets se sont imposés à moi pour devenir les supports de compositions de plus en plus détachées de toute familiarité, quelquefois même tout à fait abstraites : le papier, le carton, la laine, le film plastique. C’est avec eux que je poursuis mon chemin.

Christian Renonciat
PS : C’est dire combien le”Nylon, taille 56”, bois de poirier, 1978, présenté aujourd’hui chez Madame de Forceville fait dans ma biographie figure d’”incunable” ; j’espère qu’on y verra aussi un peu de l’humour que je m’efforçais à l’époque d’introduire dans un travail, qui sans cela, eût paru trop sérieux.